Les considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) prennent de plus en plus d’importance au sein des entreprises. Les directions financières se doivent désormais d’être les moteurs de la transition vers un business plus durable. Pour les CFO et les directeurs financiers, la question n’est plus de savoir s’il faut investir ou non dans la RSE, mais plutôt comment la financer efficacement et mesurer le retour sur investissement.
Ce livre blanc explore comment les équipes Finance peuvent mener la transition vers la durabilité et évaluer le ROI des initiatives RSE. Nous vous détaillerons les outils et stratégies qui permettent de s’assurer que vos investissements soient alignés à la fois aux objectifs financiers et stratégiques de l’entreprise.
1. Le rôle du département financier dans la transition vers la durabilité
Ces dernières années, la fonction de CFO s’est élargie, bien au-delà de la gestion financière traditionnelle. Aujourd’hui, si la définition des objectifs de décarbonation et stratégies de durabilité relève généralement du CSO (Chief Sustainability Officer – Directeur du Développement Durable en français), le CFO joue néanmoins un rôle prépondérant dans la concrétisation et la crédibilité de ces initiatives.
C’est lui qui va allouer les budgets aux projets ESG et les intégrer dans la planification financière de l’entreprise. Son soutien financier va assurer la crédibilité des projets ESG mais aussi les rendre concrets, en les faisant passer du stade de projets à des résultats réels et mesurables.
En s’impliquant davantage dans la transformation des entreprises vers des modèles plus durables, les directeurs financiers influencent la manière dont la RSE est mise en œuvre. Les normes qui s’appliquent depuis des décennies à la gestion des données financières s’appliqueront désormais aux données extra-financières : fiabilité et audibilité, prévisions et projections, et même budgétisation. A l’instar d’un ERP finance, seule une plateforme digitale de gestion des données ESG peut permettre au duo CSO/CFO de piloter la transformation de l’entreprise efficacement.
Comprendre la portée du financement
Financer le développement durable, c’est d’abord comprendre ces deux approches principales : l’optimisation des pratiques financières existantes et la transformation du modèle économique.
Optimisation des pratiques financières
Cette approche consiste à modifier l’allocation des ressources, pour soutenir les objectifs de durabilité. Il s’agit la plupart du temps de prévoir les futurs investissements dédiés à des technologies moins gourmandes en énergie, de repenser la durabilité de la chaîne d’approvisionnement ou encore d’organiser l’obtention de certifications ESG.
Ici, le CFO ne va pas chercher à repenser le modèle économique, mais plutôt à faire progresser l’efficacité opérationnelle pour à mieux intégrer la durabilité dans le cadre financier actuel.
Transformation du modèle économique
La transformation du modèle économique implique des changements plus profonds, avec une modification des sources de revenus de l’entreprise. Cela peut se traduire par le développement de nouveaux produits ou services et/ou l’abandon de produits existants. Un travail qui va nécessairement s’accompagner d’une refonte stratégique de l’entreprise et d’un investissement en capital important.
Des changements importants sont donc à prévoir dans la planification financière de l’entreprise et l’allocation des ressources.
2. Les avantages du financement de la transition vers la durabilité
Développement commercial et innovation
Financer la transition vers la durabilité peut offrir de belles opportunités pour se développer et surtout innover. Les entreprises qui créent des produits et services s’inscrivant dans l’objectif de neutralité carbone mondiale d’ici 2050, pourront voir de nouvelles sources de revenus et de nouveaux marchés s’ouvrir à elles.
Ces investissements mènent d’ailleurs souvent à des innovations technologiques importantes et à une meilleure efficacité opérationnelle. La preuve avec un de nos clients : Oxford Photovoltaics. L’entreprise britannique, issue de l’Université d’Oxford, a récemment démarré la production à grande échelle de cellules solaires en pérovskite. Une méthode qui s’est révélée bien plus efficace (d’un point de vue énergétique) et rentable (d’un point de vue financier) que d’autres matériaux utilisés jusqu’à présent pour les panneaux solaires.
L’adoption de sources d’énergie renouvelables et de processus de réduction des déchets permet non seulement de réduire les coûts opérationnels, mais aussi de créer de nouvelles sources de revenus grâce au développement de produits innovants et respectueux de l’environnement.
C’est ce qu’il s’est passé pour Iberdrola, leader dans les énergies renouvelables. Depuis plus de 20 ans, l’entreprise se concentre sur la décarbonation de son outil de production. Elle a d’abord fermé ses centrales à charbon qui généraient énormément d’émissions carbone, avant de tripler sa capacité de production d’énergie renouvelable, pour atteindre 60 GW d’ici 2025 et 95 GW d’ici 2030. Elle a massivement investi dans les infrastructures réseau et étendu sa clientèle mondiale à 70 millions de personnes.
Les entreprises qui intègrent le développement durable dans leur modèle économique sont mieux placées pour accéder aux nouveaux marchés émergents et attirer les investissements extérieurs.
Compétitivité
Financer la durabilité, c’est aussi améliorer sa compétitivité, en se différenciant sur son marché. Un rapport récent de l’OCDE révèle que le marché européen du carbone, qui représente plus de 40 % des émissions des États membres de l’UE, a entraîné une hausse des revenus et de la valeur des actifs des entreprises concernées. Un constat qui va à l’encontre des craintes de perte de compétitivité.
L’étude a montré qu’en réalisant une réduction de 10 % des émissions de gaz à effet de serre sur une période de sept ans, ces entreprises ont également augmenté leurs revenus de 7 % à 18 % et la croissance de leurs actifs de 6 % à 10 %, sans impact négatif sur les effectifs ou le bénéfices. Ces résultats remettent en question l’idée que les régulations en matière de carbone freinent la performance économique, et suggèrent au contraire des avantages potentiels liés à l’investissement dans les technologies de réduction du carbone.
Enfin, dernier avantage, les entreprises qui adoptent de manière proactive les technologies vertes anticipent les exigences réglementaires et les demandes des consommateurs. Elles évitent par la même occasion les coûts de conformité tardive et les potentielles amendes. Elles se construisent ainsi un véritable avantage concurrentiel.
Résilience
Le soutien financier à la transition vers la durabilité renforce aussi la résilience organisationnelle. Les entreprises qui intègrent des pratiques durables sont mieux préparées à gérer les risques environnementaux et réglementaires. Par exemple, celles qui investissent dans des technologies écoénergétiques ou des chaînes d’approvisionnement durables sont moins vulnérables aux fluctuations des prix de l’énergie ou aux pénuries de matières premières. Lors de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, les entreprises ayant opté pour des sources d’énergie locales se sont montrées les plus résilientes, maintenant la stabilité opérationnelle tandis que d’autres faisaient face à des ruptures d’approvisionnement et à une flambée de leurs coûts.
Une étude récente d’Accenture révèle que les entreprises performantes en matière d’ESG ont généré des rendements financiers pour les actionnaires 2,6 fois plus élevés et des marges d’exploitation 4,7 fois supérieures à celles affichant des résultats ESG moyens.
Ces entreprises les plus performantes sont également plus résilientes. Elles gèrent mieux les risques ESG et leurs ressources, et savent aussi mieux saisir les opportunités de croissance dans une économie à faible émission de carbone.
En anticipant et en abordant les perturbations potentielles, ces entreprises peuvent assurer la continuité et la stabilité de leurs opérations.
Cette résilience renforcée par la durabilité améliore la réputation et la fiabilité de ces entreprises en les rendant plus attrayantes aux yeux des investisseurs et des parties prenantes qui privilégient la stabilité à long terme.
Attractivité des talents
Une étude récente de Deloitte a montré que 69 % des employés souhaitent voir leur entreprise investir dans des mesures de développement durable, notamment la réduction des émissions carbone, l’utilisation d’énergies renouvelables et la réduction des déchets. Investir dans la durabilité rendra donc votre entreprise plus attractive aux yeux des talents.
Harmoniser les actions de l’entreprise sur les valeurs des employés favorise une meilleure satisfaction au travail et réduit le turnover. Cela crée au final des équipes plus investies. Dans un marché du travail compétitif, être perçu comme une entreprise leader sur les sujets de durabilité peut significativement améliorer sa capacité à attirer et à retenir des talents qualifiés.
S’aligner sur les valeurs des employés favorise une plus grande satisfaction au travail et réduit le turnover. Dans un marché du travail toujours plus compétitif, être reconnu comme un leader en matière de développement durable peut considérablement renforcer votre capacité à attirer et fidéliser vos collaborateurs.
3. Quelles stratégies pour financer la transition et améliorer le ROI?
Pour les CFO, être capable d’évaluer le retour sur investissement du financement de la transition vers un modèle économique bas carbone est indispensable.
Examinons de plus près comment des investissements stratégiques dans le développement durable peuvent générer des rendements financiers importants et soutenir la croissance à long terme.
a) Optimiser les activités pour améliorer la productivité et réduire les risques
Gestion de l’énergie
L’une des méthodes les plus simples pour économiser de l’argent tout en réduisant votre empreinte environnementale est d’améliorer votre efficacité énergétique. Moderniser l’éclairage pour des solutions plus économes en énergie, optimiser les systèmes de chauffage et de climatisation, investir dans des technologies de gestion énergétique… Toutes ces actions peuvent rapidement permettre de réduire vos coûts.
D’autant plus que la transition vers des sources d’énergie renouvelable, comme le solaire ou l’éolien, devient de plus en plus rentable. Les prix des combustibles fossiles augmentent alors que les technologies renouvelables deviennent plus abordables. Investir dans les énergies renouvelables permet donc non seulement de soutenir vos objectifs de durabilité, mais aussi de protéger votre entreprise contre la volatilité des prix.
Dans ce cadre, s’engager dans un contrat d’achat d’électricité (Power Purchase Agreement, PPA) peut offrir une stabilité à long terme. Vous pourrez verrouiller des tarifs avantageux et limiter l’imprévisibilité des marchés de l’énergie.
Utilisation des matériaux
La consommation de matériaux et, par voie de conséquence, la production de déchets sont également deux gros postes de dépenses. En vous concentrant sur une utilisation plus efficace des ressources, vous allez réduire les coûts des matériaux et, même potentiellement, diminuer les frais généraux opérationnels.
Mais, au-delà de l’aspect budgétaire, cette démarche contribue également à la réalisation d’objectifs environnementaux plus larges, comme la réduction de l’empreinte carbone et du volume de déchets produits. La mise en place de mesures de recyclage systématiques, l’utilisation de produits moins gourmands en matériaux et l’optimisation des processus de production sont autant de projets qui participent à la lutte contre le dérèglement climatique.
Réduire la consommation de matières et les déchets a un impact direct sur vos dépenses. En vous concentrant sur une utilisation plus efficace des ressources, vous pouvez diminuer les coûts de matériaux et potentiellement réduire vos frais d’exploitation.
Au-delà de l’aspect budgétaire, cette démarche s’aligne également sur des objectifs environnementaux plus larges en minimisant vos déchets et votre empreinte carbone. Le recyclage, l’utilisation de produits moins gourmands en matériaux et l’optimisation des processus de production vous permettra de réaliser des économies importantes et de vous rapprocher de vos objectifs de durabilité.
Conditions de travail
Réévaluer et optimiser les conditions de travail, y compris les politiques de télétravail et de déplacements professionnels, peut vous permettre de réaliser des économies et diminuer vos émissions de carbone.
Par exemple, encourager le télétravail réduit le besoin d’espace de bureau, et diminue donc les coûts et les émissions.
De la même manière, privilégier les réunions virtuelles plutôt que les déplacements physiques peut être intéressant d’un point de vue financier et environnemental.
Au passage, ces pratiques amélioreront probablement la satisfaction de vos collaborateurs.
Gestion de la chaîne d’approvisionnement
Votre chaîne d’approvisionnement représente une part importante de votre empreinte carbone, mais aussi de vos risques financiers.
Il est crucial d’identifier et de gérer ces risques de manière efficace pour éviter les ruptures de stock et donc la perte de revenus. Sachez qu’environ deux tiers de vos risques proviennent de votre chaîne d’approvisionnement. Impossible, dès lors, de faire l’impasse sur ces problématiques.
Des réglementations comme la CSRD vous aideront à identifier et gérer ces risques.
En améliorant la transparence et la résilience de votre chaîne d’approvisionnement, vous allez découvrir des opportunités de réduction de coûts, et d’augmentation de productivité et de réduction des risques.
b) Naviguer dans les prix et les taxes sur le carbone
Tarification interne du carbone
La mise en place d’un mécanisme de tarification interne du carbone vous aidera à attribuer une valeur financière aux émissions de votre organisation. Cela vous donnera une idée claire sur le coût lié à la réduction de l’empreinte carbone.
Concrètement, il s’agit de fixer un prix par tonne de carbone émise. Ce chiffre va vous permettre d’évaluer les efforts internes à fournir pour réduire les émissions. Et, comme les entreprises avec des faibles émissions auront des coûts carbone plus bas, les autres auront tout intérêt à adopter des pratiques et technologies propres, afin de rattraper leur retard.
La tarification interne du carbone peut également aider à prendre des décisions d’investissement plus éclairées et à s’aligner sur des objectifs de réduction des émissions plus larges.
Taxes et mécanismes externes sur le carbone
Il est essentiel de comprendre et de se préparer aux mécanismes de tarification externe du carbone, comme les taxes sur le carbone, le système d’échange de quotas d’émission (ETS) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) de l’Union européenne.
Le CBAM, applicable à partir de 2026, introduit une taxe sur l’importation de produits à forte intensité carbone, tels que le ciment, l’acier et l’aluminium. Ce mécanisme vise à réduire l’intensité carbone des biens importés et à inciter les industries locales à réduire leurs émissions.
Anticiper ces changements vous permettra de mieux maîtriser vos coûts et garantira la conformité aux différentes réglementations. En réduisant votre empreinte carbone, vous diminuez l’impact de ces taxes tout en profitant d’éventuelles incitations à la réduction des émissions.